Massage au hammam de Boukhara, Ouzbékistan

Lors de ses voyages dans le sud-est asiatique, Frédéric aime abandonner son corps aux mains d’Asiatiques délicates (on parle de messages…) Le problème, c’est qu’en Ouzbékistan, ce sont les hommes qui massent les hommes. Récit… (âmes sensibles, s’abstenir)

Il faisait plus de 40 degrés. Depuis quatre jours, j’enchaînais les visites de minarets, de madrasas et de palais sous un soleil de plomb. La veille, j’avais demandé à mon guide de regrouper les visites le matin et en fin d’après-midi pour pouvoir me reposer au plus fort de la chaleur de la journée.

Que faire d’une après-midi à Boukhara quand vous subissez déjà une overdose d’art islamique ? (et que vous êtes seulement à 24 heures de votre arrivée à Samarkand), que vous ne comptez pas faire de shopping (les chapeaux de fourrure de bébés astrakans ne vont pas avec ce que je porte…) et que vous cherchez un semblant de fraîcheur ?

Je suis entré dans une tchaïkana, une maison de thé aperçue au hasard du recoin d’une ruelle. J’ai poussé une lourde porte en bois sculpté et ai été accueilli par mille odeurs d’épices.

Les murs épais de près d’un mètre avaient conservé un peu de fraîcheur, un ventilateur hors d’âge renvoyait un souffle d’air salvateur, les coussins avaient l’air accueillants… Je me suis assis avec un roman policier islandais (qui n’est pas parvenu à faire fraîchir l’ambiance).

Pour 10 000 soums (un peu moins de 4 €), j’ai passé deux longues heures paisibles à siroter un thé vert comme je les aime (c’est à dire beaucoup trop sucré) agrémenté de raisins secs, d’amandes, de pavot et de halva.

En sortant de la tchaïkana, une fois lassé des aventures de cet Islandais qui faisait des trous dans la glace (quelle idée de lire ce genre de littérature en Ouzbékistan au mois d’août…), j’ai été attiré, à quelques encablures de la tchaïkana, par la devanture d’un hammam.

Lors de mes voyages aux Philippines et au Cambodge (quel dur métier nous faisons…), j’aime abandonner mon corps aux mains d’Asiatiques délicates qui, au terme d’un massage thérapeutique tout en douceur, rétablissent l’équilibre demes muscles. C’est l’occasion de goûter au calme, à la musique douce, aux senteurs légères…

Ici, pas de jeune fille gracile en robe de soie… celui qui m’a ouvert avait un nez de boxeur, ne semblait pas avoir de front, avait la mâchoire carrée et taillée à la serpe et des bras épais comme mes cuisses. Son anglais était rudimentaire (insuffisant pour me laisser imaginer combien j’allais souffrir…) mais il m’a convaincu : j’allais goûter cette expérience !

15 minutes de hammam. Je sens le thé sortir par tous les pores de ma peau. J’ai le temps d’observer les coupoles, les murs épais, la pierre brute… C’est ainsi que j’imaginais la « décoration » des prisons des dictatures les plus sauvages.

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Mon bourreau est venu me chercher. « Seat here » a-t-il éructé en m’indiquant un socle de marbre. Il m’a alors frotté énergiquement avec une espèce de torchon.

Après quelques minutes de cette torture, il m’a désigné le même socle de marbre et m’a ordonné « sleep ». Je me suis allongé en me demandant comment il comptait me faire dormir. Sans doute allait-il m’assommer. Non… il voulait juste me signifier que je devais me coucher. Ce que j’ai subi les 40 minutes qui suivirent m’aurait enlevé à jamais l’envie de dormir.

J’ai été massacré. Il m’a torturé, écartelé, broyé les os, piétiné… a appuyé sur tout mon corps avec ses coudes, ses genoux et ses pieds. Le pire a été le moment où il s’est mis en tête de me tordre les jambes… J’ai toujours refusé de suivre un cours de yoga mais là, je n’ai pas eu le choix… mon corps est allé au delà de ses limites… de temps en temps, il m’intimait juste « relax ». Facile…

Au terme de ces manipulations aux antipodes de ce que m’ont toujours prodigué les jeunes filles graciles d’Asie du Sud-est, ce digne successeur de Gengis Khan ou de Tamerlan m’a escorté jusqu’au hammam. D’autorité, il m’a assis, a recouvert mes bras, mon dos et mes épaules d’une espèce de pâte de gingembre qui m’a brûlé la peau, et m’a abandonné à ma souffrance…

Après quelques minutes, il a versé sur moi le contenu de trois bassines d’eau fraîche, puis froide et enfin glacée. J’ai compris que mon cauchemar était terminé quand il m’a aspergé d’eau de rose.

Son visage s’est alors éclairé d’un large sourire et il m’a tendu un drap de bain en me demandant « finished my friend. Good ? » Quand on vous pose ce genre de question, vous n’entrez pas dans des explications nuancées. Oui oui, c’était très bien. Ne me frappe plus…

Je me suis rhabillé, j’ai quitté le hammam, j’ai reçu les rayons du soleil comme une gifle en plein visage, mais je me sentais bien : le boxeur aux mains de pierre avait remis mon corps d’aplomb. Je ne ressentais plus le vol Paris/Tachkent, la traversée du désert de Khiva à Boukhara en voiture, 3 jours à piétiner les lieux saints et les 40 degrés. Magique… le voyage pouvait continuer.

PS : je ne suis pas mort, soyez rassurés.
PS 2 : je suis Marseillais et il m’arrive (parfois…) de légèrement exagérer mes propos (pas cette fois-ci, bien entendu).

Photo © http://voyager-comme-ulysse.com avec l’aimable autorisation de José Da Silva.

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