Mon rêve d’enfant : l’île de Pâques !
Un jour, dans un magazine de sous-psychologie post-adolescente, j’ai lu que la seule façon de vivre ses rêves était de s’imposer des dates butoir… Alors voilà : j’avais 37 ans et j’ai décidé qu’avant d’avoir 40 ans, j’irai à l’île de Pâques !
Je devais avoir 5 ou 6 ans… à l’époque, la lecture était ma grande passion… j’ai ouvert un livre « au hasard » et j’ai été fasciné par les moai, gardiens de pierre de l’île de Pâques… En grandissant, mon imagination n’a cessé de me porter vers l’île de Pâques : ses paysages lunaires, ses steppes, ses volcans et la culture à la fois latino et polynésienne… je crois que ce qui m’a le plus fasciné, c’est d’apprendre que sur l’île de Pâques, a été construite l’une des pistes d’atterrissage les plus longues au monde pour… accueillir une éventuelle fusée de la NASA ! pourtant, il n’y a qu’un vol par jour pour l’île de Pâques… Puis, les années s’envolent, mes voyages se multiplient et je n’ai toujours pas transformé mon rêve d’enfant en projet !
Un jour, dans un magazine de sous-psychologie post-adolescente, j’ai lu que la seule façon de vire ses rêves était de s’imposer des dates butoir… Alors voilà : j’avais 37 ans et j’ai décidé qu’avant d’avoir 40 ans, j’irai à l’île de Pâques !
Renseignements pris, la meilleure saison pour aller à l’île de Pâques s’étend de décembre à mars. Je décide de partir en février 2009… j’aurai alors 39 ans et 8 mois. Je m’arrange pour faire coïncider ma date de voyage avec le rendez-vous culturel de l’île de Pâques : le festival Tapati. Il a lieu chaque année lors de la première quinzaine du mois de février. L’occasion idéale pour découvrir, en plus des moai, le folklore et les traditions des Pascuans, les habitants de cette île mystérieuse…
8 février 2009… déjà, à l’enregistrement du vol, je tremble d’émotion… 5 heures plus tard, apercevoir l’île depuis le hublot me procure des frissons dans tout le corps… à ce moment-là, j’étais « géographiquement » sur l’île mais mon esprit était resté avec mes rêves d’enfants. Impression étrange d’être arrivé à un but… mais l’aventure ne faisait en fait que commencer ! Alors que de nombreux savants ont mis des années à ne construire que des suppositions, j’avais moins d’une semaine devant moi pour percer les mystères de l’île de Pâques.
Le premier jour est consacré à l’approche du volcan Orongo. Tout proche, on peut apercevoir l’îlot de Moto Nui où jadis, chaque année, avec l’arrivée du printemps se déroulait la cérémonie de l’homme-oiseau. Les hopu, serviteurs des aristocrates de l’île, passaient plusieurs semaines sur l’îlot et guettaient la première ponte des mouettes pascuanes. Le maître de l’hopu qui rapportait le premier œuf sur Rapa Nui était alors nommé « homme-oiseau » et devenait l’incarnation du pouvoir divin pendant un an. Bercé par les explications passionnantes du guide (en trois langues, avec des détails plus savoureux les uns que les autres à chaque version) je me laisse emporter par cette légende… Mon regard va des steppes à l’océan Pacifique, mon esprit imagine les hommes-oiseaux mais je reste frustré : ces moai imposants, pour lesquels j’ai fait un si long voyage… où se cachent-ils ?
Je les découvrirai lors de ma deuxième journée sur l’île. La visite commence par la découverte de Rano Raraku, qui héberge la carrière des moai. C’est ici qu’autrefois les Pascuans ont édifié ces statues de pierre venues de nulle part. C’est sur place que je réalise que ce sont des géants : entre 8 et 12 mètres de haut ! On se sent tout petit ! On surplombe le site de Tongariki, tout proche, d’où l’on peut admirer 15 moai sublimes et isolés qui tournent le dos à la mer. La journée se termine sur la jolie petite plage d’Anakena.
Le troisième jour, après ma rencontre avec le moai Tahai, le seul qui ait hérité d’yeux lors de sa restauration, je profite des spectacles de Tapati et savoure le mélange de culture latino et de culture polynésienne : les petites cases traditionnelles, les dégustations de rhum et de poisson frais, le climat tropical, les boutiques d’artisanat… je regrette juste de ne pas repartir de l’île de Pâques avec une trace indélébile sur mon corps… Tito, le tatoueur n’a pas envie de travailler cette semaine ; je me contenterai de la marque psychologique de l’île…
Ma journée préférée sur l’île fut la dernière : je suis reparti seul sur les lieux que j’ai le plus aimés. Oui, il est possible de louer un véhicule à l’île de Pâques : il suffit de rouler avec précaution sur des routes défoncées au manque cruel de signalisation, en prenant garde d’éviter chevaux et moutons sur la route, d’autant que le concept d’assurance n’existe pas sur l’île… Je suis retourné à Tonkariki… deux fois… au lever du soleil et en fin d’après-midi, lorsque les rares petits groupes de voyageurs s’adonnent aux plaisirs de la plage sur Anakena. Et seul, pendant près de deux heures, j’ai contemplé ces 15 moai, empli de l’émotion d’avoir vécu enfin un rêve mûri pendant 35 ans…
Mais peut-on vivre sans rêve ? Depuis des années, celui de l’île de Pâques m’animait et tous les autres voyages que j’envisageais d’entreprendre n’étaient que des alternatives plus raisonnables, presque pâles à côté de ce rêve. Dans l’avion qui allait m’emmener jusqu’aux limites du désert d’Atacama, fourmillaient déjà dans ma tête de nouvelles destinations, des grands espaces : je n’ai pas encore commencé mon voyage au Chili continental, mais j’ai déjà envie du désert de Namibie, du centre rouge australien, des jungles de la Papouasie… je ne vais pas m’arrêter de rêver.