Quelle météo pendant votre voyage ?
Il y a des tics de langage qui déclenchent en moi une petite urticaire persistante. Par exemple, comme je suis un garçon bien élevé, je demande souvent « comment, ça va ? »
Certes, c’est la plus simple des phrases toutes faites, et il est de bon ton de répondre 1) bien 2) merci et ensuite (3) de s’enquérir de ma santé à moi. Voilà. C’est simple et on peut passer aux choses sérieuses.
Mais il y des humains à qui on demande « comment ça va ? » et qui répondent « fraichement » (en hiver) ou « chaudement » en été. A cette réponse argumentée pleine de bon sens, j’ai envie de répondre « ben ouai, on est en été » (ou en hiver, ça dépend de la saison).
Mais ça, c’était avant. Nous sommes le 10 juillet, il faisait 13°C ce matin quand je suis arrivé à l’agence et Météo France prévoit que la température devrait grimper à 17°C cet après-midi. « Il n’y a plus de saison » et c’est vrai que souvent, nos clients-voyageurs nous demandent de leur garantir les conditions météorologiques à n’importe quel coin du monde et en toute période.
De la fiabilité des prévisions météorologiques à long terme
Selon Marie-Pierre Planchon (qui a une grande influence sur moi puisque chaque matin, à 7h29, c’est elle qui décide de la façon dont je vais m’habiller), nous subissons actuellement le phénomène météorologique dit de la « goutte froide ». Si j’ai bien compris (parce qu’à 7h29, mes neurones ne sont pas toujours complètement connectés), la « goutte froide » se forme lorsqu’une poche d’air froid descend du pôle vers des latitudes plus basses, en provoquant des conditions météorologiques instables lorsque cette poche rencontre l’air plus chaud et humide de surface. Résultat : instabilité atmosphérique, nuages, averses intenses, voire orages violents ou grêle. Et froid. Parce que 17°C mi-juillet à Paris, « ça n’est pas normal ».
J’avais commencé ce billet en avril, pendant les imprévisibles et impressionnantes inondations à Dubaï, où il est tombé en une journée plus de 25 centimètres d’eau, soit davantage que lors des deux années précédentes. Vous avez tous vu ces terribles images de maisons inondées, de voitures submergées, de vent violent… absolument pas « normal » à Dubaï.
Sauf que quand on évoque la météo, plus rien ne semble normal. Et prévoir la météo n’est guère chose aisée. Il me semble que Marie-Pierre Planchon (elle-même) ne se risque plus à prévoir le temps qu’il fera plus loin qu’à l’horizon 2 ou3 jours…
Vous êtes nombreux à me demander comment vous habiller au moment de préparer votre voyage sur mesure.
Alors si Marie-Pierre Planchon ne prévoit pas le temps qu’il fera le week-end prochain, comment pourrais-je (moi, qui ne suis pas météorologue) prévoir le temps qu’il fera le 18 octobre en Patagonie ou dans le Ngorongoro ? Lors de mes études de tourisme, j’ai appris à construire un voyage sur mesure… j’ai aussi appris la géo, les langues, l’histoire de l’art, le marketing, la gestion, l’environnement économique de la profession, le droit, les techniques commerciales mais pas l’art de prévoir la météo.
D’ailleurs, est-ce que la météorologie s’enseigne à l’école ? (ça, c’est tout moi : j’improvise un billet pour le blog de l’agence, et je me mets à faire des recherches bizarres sur Google). La réponse est « oui » : il faut suivre une spécialité scientifique à l’école (pour moi, le rêve s’est brusquement arrêté), une prépa scientifique, puis 3 ans pour préparer le diplôme d’ingénieur de l’ENM (l’École Nationale de la Météorologie, à Toulouse). On peut aussi pousser 2 ans de plus pour un master sciences de l’océan, sciences de l’atmosphère et du climat… et même encore 3 ans pour un doctorat (toujours à l’ENM).
Je ne sais pas si lors de cet enseignement on apprend à décrypter les microclimats et à faire des prévisions à long terme, mais à chaque fois que je lis ou entends des prévisions à long terme, j’ai l’impression que leur fiabilité est aussi précise que ce qu’on trouve dans un horoscope au fond d’un paquet de biscuits chinois.
Eloge de l’incertitude météorologique en voyage
Tout au plus, nous pouvons faire des prévisions très générales :
- Vous vous apprêtez à partir en voyage sur mesure en Laponie, la neige commence en général à tomber en novembre ou début décembre : alors il ne faut pas prévoir d’activité hivernale type motoneige ou traineau à chien avant le 15 décembre, et ne pas espérer les pratiquer au-delà du mois d’avril parce que les températures montent.
- Dans la Caraïbe, le risque de vents violents et de fortes précipitations est le plus fort d’août à octobre.
- Vous voulez partir en safari sur mesure en Tanzanie ? La saison des pluies s’y étend en général de mars à mai. Ça n’est pas pour ça que l’on décourage de partir en safari pendant la saison verte : le risque de précipitation est certes plus élevé à cette période, mais les parcs sont peu fréquentés, les prix très attractifs et selon les spécialistes, c’est la meilleure saison pour prendre de belles photos. De plus, depuis 2 ans, il peut pleuvoir n’importe quand en Tanzanie !
- Et à Paris, de mémoire de Mousquetaire, il pleut plus de 40% des jours où se déroule le tournoi de tennis de Roland-Garros (alors que le tournoi ne dure que 15 jours et qu’il y a aussi des journées où de nombreux spectateurs attrapent des insolations).
Il faut accepter les imprévus météorologiques : ces surprises sont autant d’occasions de raconter des anecdotes amusantes… Lors de mon premier voyage sur mesure au Chili, j’ai pu vivre un énorme orage dans le désert d’Atacama, la zone la plus aride du monde (aucune goutte d’eau n’était tombée depuis plus 5 ans, m’a-t-on indiqué alors). L’été dernier, les températures ont dépassé les 35°C en Scandinavie. Je trouve que c’est toujours un plaisir que de raconter une pluie diluvienne, une tempête inattendue, ou ce jour improbable où j’ai eu un coup de soleil en Islande alors qu’il faisait 10°C.
En fin de compte, regardons la vie du bon côté, et disons-nous que le charme réside dans l’inconnu. Que serait la vie sans un peu de mystère ? Si nous pouvions prédire la météo à la perfection, où serait l’aventure ?
Ces moments d’incertitude et d’imprévu sont souvent ceux qui restent gravés dans nos mémoires : une tempête en montagne qui vous a bloqué dans un refuge et permis de rencontrer l’amour de votre vie, un cyclone lors d’un voyage à Rapa Nui qui a provoqué l’annulation de tous les vols et bloqué sur place nos clients-voyageurs qui m’avaient demandé de programmer leurs visites à l’heure près ?
De mon année d’étude du chinois au collège, je n’ai retenu qu’une phrase complète : « je n’ai pas besoin de parapluie car j’ai un imperméable ». Imaginez ma frustration de ne pas avoir vu une goutte de pluie en 3 semaines (et ma joie quand, le dernier jour de mon périple en Chine, un énorme orage a éclaté et que des vendeurs ambulants de parapluies m’ont alors abordé, ce qui m’a permis de briller un peu…)
Alors, s’il vous plait, ne nous demandez pas de garantir la météo, et embrassez l’incertitude météorologique. En fin de compte, le seul moyen de prévoir la météo, c’est de prévoir qu’on ne peut pas la prévoir. Et c’est justement ce qui rend chaque voyage unique et passionnant : après tout, c’est peut-être la pluie imprévue qui rendra votre voyage mémorable, ou le soleil inattendu qui illuminera vos souvenirs.
Bon voyage et que les éléments (imprévisibles) soient avec vous !